L'insecte à combattre

Publié le 17/03/2016

Connaissez-vous vraiment le danger que représente le frelon asiatique pour nos abeilles ? Comment peut-on lutter contre son invasion ? Des chercheurs du NCRS se penchent sur la question, et leurs découvertes redonnent une lueur d'espoir à nos apiculteurs.


Que de stress pour les abeilles !

Comment tout cela a commencé ?

Arrivé en Europe il y a une douzaine d’années, le frelon asiatique est rapidement devenu un vrai cauchemar pour nos abeilles. Selon le Muséum National d’Histoire Naturelle, le frelon asiatique serait présent dans 63 départements du sud, du centre et de l’ouest de la France, couvrant les trois quarts du pays. Et tout a commencé par une reine cachée dans un pot de fleurs chinois : elle seule serait à l’origine de l’invasion de notre territoire. Car une reine donne naissance à 2 000 ouvrières.

Le frelon asiatique est-il aussi un "insecte à combattre" dans son milieu naturel ?

Label Abeille : "Le frelon asiatique est-il aussi incriminé dans son milieu naturel qu’il peut l’être en Europe ?" Eric Darrouzet, à la tête des recherches réalisées à l'IRBI-CNRS Tours nous répond : “On dénombre 9 espèces de frelons en Asie et la plus dangereuse d’entre elles est Vespa mandarinia, causant des problèmes de santé pour l’Homme. Vespa velutina, que nous connaissons en France, ne pose pas réellement de soucis dans son milieu naturel. L’abeille asiatique Apis cerana sait s’en défendre.” Sans compter que sur son continent d'origine, le frelon asiatique fait lui aussi les frais de prédateurs, dont l’Homme ! Car les chinois sont très friands de leurs larves qu’ils font griller, révélant paraît-il un goût de noisette.

Quelles sont les conséquences de leur présence en Europe ?

Nos abeilles sont stressées, elles se replient sur elles-mêmes, délaissent leurs activités, pondent moins et manquent peu à peu de réserves. Et pour cause : les frelons en station devant la ruche empêchent les ouvrières de rentrer, privant alors la colonie de pollen et de nectar. Si la colonie ne meurt pas directement de l’attaque des prédateurs, elle sera affaiblie et passera plus difficilement l’hiver.

Car l’objectif du frelon est simple : se nourrir des protéines contenues dans la chair des insectes.




Alors, puisque le frelon asiatique ne dispose pas de prédateur en Europe et qu'il se délecte de nos abeilles, pourquoi croire que l'on peut lutter contre son invasion ?



Raison N°1 : Les frelons deviendraient fous ?


Si la population française de frelons asiatiques descend d’une même reine, rien d’étonnant à ce que leur patrimoine génétique commence à battre de l’aile. L’étude menée par l’IRBI (Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte - CNRS Tours) prouve ce phénomène de dépression de consanguinité. Il n’est alors pas déplacé d’espérer un recul de leur croissance en France.

«On est tombé dessus par hasard !» précise Eric Darrouzet, chercheur en charge de l’étude. "Je recherchais plutôt la recherche de signatures chimiques chez ces insectes ainsi que la détermination de parasites possibles pouvant affecter ces hyménoptères. Et c’est ainsi que nous nous sommes aperçus que les colonies comportaient de nombreux mâles au printemps, ce qui est en contradiction complète avec le cycle de cette espèce où les mâles n'apparaissent qu'à la fin de l'été". 
Une aberration, signe d’un dysfonctionnement génétique notoire, appelée "dépression de consanguinité". Quels effets à court terme ?
"Le premier est que les colonies se retrouvent avec un gros fardeau", explique Eric Darrouzet. "Car ces mâles ne travaillent pas, ne servent à rien et sont nourris par les ouvrières, ce qui impacte la productivité de la colonie et donc potentiellement la diffusion de l’espèce". 

Le second étant que la reproduction de ces mâles donneront naissance à des individus stériles.

Cette découverte majeure apparut alors que l’équipe de l’IRBI menait des recherches sur les phéromones émises par le frelon asiatique, où comment réaliser un piège spécifique à l’espèce, sans toucher les autres pollinisateurs inoffensifs pour notre diversité.



Raison N°2 : Les frelons bientôt pris au piège !


De nombreux pièges existent déjà, qu’ils soient artisanaux vendus dans le commerce. Seule limite : la sélection des insectes qui s’y retrouvent. Pour contourner cela, mieux vaut s’éloigner des pièges à appâts alimentaires qui attirent abeilles, mouches, guêpes, papillons... pour priviliégier les appâts odorants, avec des phéromones spécifiques aux frelons asiatiques.

On a identifié la moitié des molécules que produit le frelon, on teste cette année l’impact sur le comportement. (...) Comme avec un puzzle, on essaie de reconstiture les molécules.  L’espoir c’est d’aboutir au plus tard dans 4 ans” explique Eric Darrouzet.

En attendant de pouvoir user de ces pièges sélectifs, des apiculteurs bretons semblent avoir fait bon usage des pièges dits classiques.


Raison N°3 : L’efficacité des pièges “classiques”  pourrait être améliorée


C’est une première : la population de frelons asiatiques du Morbihan aurait reculé. Cette victoire serait attribuée à la localisation des pièges à frelons asiatiques (artisanaux) en ville.

Plutôt que de disposer les pièges à proximité immédiate des ruches, pour protéger les colonies d’abeilles au plus près, les apiculteurs bretons ont imaginé les placer en ville, constatant que les reines s’y rendaient pour butiner les jardinières et que la moitié des nids de frelons se trouvaient en zone urbaine. Résultat : 24 000 reines furent attrapées au printemps dernier :


Et en attendant que la population de frelons recule ?

Si l'on ne peut encore éradiquer ces prédateurs, on peut a minima anticiper leur développement au rucher en ne perdant jamais de vue les abeilles. Comment ? En connectant les ruches. Cela permet de suivre la vie des colonies en temps réel et de déceler tout évènement anormal : une évolution surprenante de la masse compte-tenu de la saison, l'augmentation du bruit/des vibrations... Ainsi alerté, l'apiculteur peut se rendre rapidement sur place pour agir (mise en place de pièges, destruction). Plus d'informations sur la ruche connectée


Ce que l'Homme casse, l'Homme doit le réparer. Telle pourrait être la conclusion de ces observations... Dans son environnement naturel, le frelon asiatique s'intègre parfaitement dans la chaine alimentaire. Mais la main de l'Homme l'a introduit par mégarde sur notre continent et depuis nous cherchons sans relâche les moyens de réparer notre erreur. L'abeille, parmi tant d'autres espèces, fait les frais de cette intrusion humaine dans la nature : pesticides, agriculture intensive... Il est temps de laisser la nature reprendre ses droits et de n'intervenir uniquement pour l'aider et non pour servir nos intérêts.


Sylvia Caron

Sources : www.sciencesetavenir.frLa Nouvelle RépubliqueNice Matin